Du 20.05.2016 au 02.07.2016
Dans le cadre de l'édition 2016 d'une Saison graphique, manifestation havraise, dédiée à la création graphique sous toutes ses formes, le Portique accueille le duo suisse, NORM. Le tandem formé par Dimitri Bruni et Manuel Krebs, les graphistes de Norm, perpétue la grande tradition helvétique du graphisme. Tous deux ont étudié le graphisme à l'École cantonale d'Arts Visuels de Bienne (Suisse), entre 1991 et 1996. En 1999, ils fondent le studio de graphisme NORM, à Zurich.
Le travail du duo a été maintes fois salué : en 2000 et 2002, NORM est lauréat du « Prix suisse de design » en 2000 et 2002, du « Design Preis Schweiz » en 2003 et du « Grand prix suisse de design » en 2011. En 2005, nouvelle consécration : NORM décroche le premier prix du concours lancé par la banque nationale suisse pour sa nouvelle série de billets.
Tradition helvétique du graphisme
Solène Bertrand : Vous vous revendiquez de la tradition helvétique du graphisme. Comment caractériser en quelques mots l'esprit qui motive vos créations ?
Dimitri Bruni : L'esthétique de notre graphisme est définie par la simplicité, la rigueur et la systématique. Nous cherchons toujours dans notre façon de travailler à être objectifs plutôt que subjectifs. Nous aimons beaucoup travailler avec des contraintes, qu'elles soient formelles ou conceptuelles.
S.B. : Votre travail est sobre, épuré. Une identité visuelle à laquelle vous êtes attachés ?
D.B. : Dans nos projets personnels, mais aussi dans nos commandes, la première phase de travail consiste à restreindre les éléments. Nous définissons des règles, comme des règles de jeu ou un cahier des charges, et l'esthétique découlera de ces choix et des orientations définies au préalable. Les restrictions génèrent une esthétique, et non l'inverse. L'esthétique doit découler d'éléments clairs et objectifs.
S.B. : Sur quels types de projets intervenez-vous ? Quels sont vos domaines d'intervention ?
D.B. : Nos champs d'activités sont multiples : design éditorial, identité visuelle (CI) et le dessin de caractères typographiques. Nous différencions deux types de projets: les projets autonomes (où nos sommes nos propres commanditaires) et les projets de commande.
Le graphisme : un champ de recherche
S.B. : Vos projets autonomes vous permettent de poursuivre des réflexions théoriques sur votre travail, tandis que les commandes seraient la mise en application de ces recherches ?
D.B. : Nos projets personnels sont conçus comme des projets de recherche. Nous travaillons sur un manifeste, sur des ouvrages, dans lequels nous essayons de porter un autre regard sur notre métier, sur notre activité. C'est l'occasion de réfléchir sur la forme, la typographie, les lettres etc. C'est comme un travail de recherche. Nous avons vraiment besoin de mener ce type de projets en parallèle des commandes. Nous ne nous considérons pas comme des artistes : le graphisme, pour NORM, est un métier de service.
S.B. : Qui sont vos commanditaires ?
D.B. : Les projets de commandes sont principalement liés à des institutions culturelles (musées, galeries, artistes, éditeurs), mais également à des institutions commerciales d'envergure : nous avons travaillé sur les caractères typographiques de l'aéroport Cologne-Bonn et d'Omega, mais aussi repensé l'identité visuelle de la marque de montres, Swatch . Nous avons élaboré la signalétique du musée du Louvre à Lens.
S.B. : Vous travaillez également sur des projets éditoriaux.
D.B. : Nous pratiquons un graphisme, comme on l'entendait il y a 10 ou 20 ans. On est très print. Nous ne faisons pas de design multi-écran : nous sommes plus intéressés par la production matérielle. Outre nos projets liés à des institutions culturelles, nous travaillons sur des projets de livres et intervenons dans le domaine éditorial. Certaines commandes sont liées à une publication, à une exposition et nous pouvons être amenés à réaliser la communication visuelle.
Un projet conçu spécifiquement pour Le Portique
S.B. : Que représente Une saison graphique : quel est l'intérêt de cette manifestation pour vous ?
D.B. : Ce genre de manifestation représente toujours un grand intérêt pour nous, car c'est l'occasion de présenter des projets personnels et spécialement conçus pour l'événement. Nous ne présenterons donc pas des travaux de commande, mais mettrons en espace les questions que nous nous posons sur la représentation des choses.
S.B. : Que présenterez-vous au Portique, dans le cadre de cette exposition personnelle ?
D.B. : Depuis l'existence du studio NORM, nous avons publié, entre autres projets, deux livres : « NORM : Introduction » (2000) et « NORM : The Things » (2002). Ces deux livres font partie d'une trilogie. Nous présenterons au Portique trois des neuf chapitres du troisième volume, qui devrait passer sous presse et voir le jour en début d'année prochaine... Nous avons très peu de temps pour nous consacrer à ce travail de recherche personnel. L'exposition est l'occasion d'avancer dans l'écriture de nos chapitres, mais de produire et d'imaginer un contenu spécifique pour le lieu d'accueil. Le travail sur mesure est privilégié. Nous investissons l'espace avec nos réflexions et travaux qui continuent de questionner le graphisme, entre tradition et innovation.
Solène Bertrand