Du 11.07.2020 au 27.09.2020
Dans le cadre de l’édition 2020
d’
Un Été au Havre, Le Portique
accueille Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau, un duo qui
intervient dans de nombreux
champs artistiques et favorise l’interdisciplinarité et les
connexions entre différentes
sphères, entre divers univers.
En 2001, l’exposition collective,
Traversées, accueillie dans l’enceinte du Musée d’art moderne
de la Ville de Paris, les révèle au
grand public : invités par le commissaire d’exposition Alexis Vaillant, les artistes s’emparent des
murs de l’institution qu’ils investissent avec leurs dessins. S’enchaînent alors les projets : un
clip pour Air, une pochette pour
Katerine, une création de personnages pour Kinder Surprise
® (non retenu), des tee-shirts...
Leur travail se nourrit de ces
collaborations multiples qui favorisent la circulation des idées
et enrichissent en permanence
leur esthétique et leur pratique.
Abolissant toute hiérarchie entre
les langages artistiques, le duo
refuse de se laisser enfermer
dans un champ et explore tous
les domaines comme autant de
pistes créatives.
« Nous aimons
l’idée de rester ouverts à tout,
sans hiérarchie et sans complexe. »
L’exposition havraise ouvre une
porte sur cet espace de création, offrant une immersion dans
un monde fait de dessins où des
formes molles, des cerveaux,
des fruits et légumes sexués se
croisent. Dans l’espace du Portique se déploie l’univers du duo
qui n’a eu de cesse, depuis sa
sortie des Beaux-Arts de Quimper en 1999, de travailler le trait,
la forme, la couleur pour imaginer des figures, inventer des
histoires et créer des mondes,
dans lesquels peuvent se plonger
petits et grands :
« On aime bien penser aux enfants dans les expos, accrocher
des dessins à leur hauteur. »
Plus de 200 dessins grand format
(A3) racontent cette histoire artistique. Loin d’être figé, le trait
s’anime dans le travail de Petra
Mrzyk et Jean-François Moriceau,
comme en attestent les gifs diffusés sur de petits écrans et
qui, ponctuant l’accrochage,
matérialisent et actent le glissement d’un support à l’autre.
Papier, numérique... le dessin se
joue de tous les langages, de
toutes les techniques, permettant d’explorer différentes facettes de la création et d’exploser les frontières au profit
d’une pop culture revendiquée.
Ainsi, le duo collabore régulièrement avec l’industrie musicale. Au
Portique, il propose, dans un espace repensé, de visionner une
dizaine de clips qu’il a réalisés.
On y croise Air, Sébastien Tellier,
The Avalanches, Katerine, Justice, etc... Des dessins, conviant
le rouge et le noir, complètent
le dispositif. Tous évoquent le
monde de la musique : on y trouve
pêle-mêle un logo pour une émission de radio, une affiche pour un
groupe, une idée pour un clip, le
portrait d’un musicien etc...
« Le
tout accroché sur un fond rose
chewing-gum. »
Passage à la couleur... l’univers n’est plus exclusivement noir et blanc. Une nouvelle
palette s’impose dans les films
d’animation, dans le travail d’édition, mais aussi dans la pratique
du
wall drawing, qui joue tant sur
les couleurs que sur les échelles,
« l’idée étant d’impressionner le
visiteur et de contraster avec
les autres formats présentés
dans l’exposition. »
Le motif ?
« Une forêt de pieds à l’envers
disposés en escalier qui montent
et descendent avec une gamme
de couleurs pop sur fond noir. »
Les pieds sont autant de pistes
narratives lancées, de protagonistes suggérés, de corps ébauchés, de figures effleurées. Une
invitation à lancer la machine à
rêver.
« On pourrait être dans
un film de Blake Edwards, dans
un magasin de chaussures, dans
la chorégraphie d’une comédie
musicale ou dans le salon d’un
fétichiste du pied »
, énumèrent
les artistes. À l’instar de l’art
rupestre, le
wall drawing invite à
explorer, à déchiffrer un monde
peuplé de signes, de lignes, à la
recherche d’un langage, d’un récit qu’il appartiendra à chacun
d’élaborer, de reconstituer.
Si le titre de l’exposition Never Dream of Dying évoque deux
thèmes récurrents dans les dessins de Mrzyk et Moriceau, le rêve
et la mort, c’est aussi, et surtout, une référence à 007.
« Pour
chaque solo show, nous utilisons
un titre de James Bond. On aime
ce côté classe et grandiloquent.
Il y a toujours une référence
à l’amour, la mort ou la vengeance. »
Un clin d’oeil qui inscrit
pleinement la démarche générale
dans une esthétique pop culture
revendiquée, comme en témoigne
l’accrochage qui, en trois volets,
invite à découvrir la création dans
tous ses états : de l’atelier-laboratoire au travail de commande,
en passant par la pratique in situ
liée au lieu de monstration. Trois
temps qui, dans l’espace, fusionnent, offrant aux visiteurs un
vaste panorama de la production
signée Mrzyk et Moriceau.
Solène Bertrand