LE P O R T I Q U E CENTRE RÉGIONAL D'ART CONTEMPORAIN DU HAVRE
L P

Expositions

Bruno Peinado
Tropicold

Du 18.04.2014 au 05.07.2014

De la luxuriance des signes et du foisonnement des images

La pensée contemporaine est toujours en quête de nouveauté et d'innovations. Ex nihilo, peut-on toujours inventer et créer, tout en demeurant original ? Bruno Peinado renonce à cette tentation permanente du renouveau, considérant l'art comme un espace de résistance à ces sollicitations permanentes. L'artiste compose avec ce qui est là, établissant un dialogue entre les objets et les signes qui peuplent l'imaginaire collectif. Le monde contemporain foisonne de signes et de motifs qui saturent la pensée et forgent les conceptions visuelles. En créant de légers déplacements, il invite le spectateur à penser le monde autrement, proposant un nouveau récit, une nouvelle histoire qui prend sa source dans le monde environnant et la culture ambiante. La société de consommation multiplie les signes et crée un univers visuel de référence à partir duquel l'artiste construit sa démarche artistique. Saint-Sébastien traversé par des centaines de flux, l'homo contemporaneus est la cible permanente de signes, une forêt de signifiants dans laquelle il est facile de se perdre et d'être submergé. Bruno Peinado relance le sens tu des objets et donne la parole aux choses réifiées, les mettant en scène dans un dispositif artistique qui renouvelle le regard et le rapport aux choses. Tropicolds'inscrit dans ce processus de relecture visuelle et mentale. Conçue pour Le Portique, l'exposition dialogue avec Le Havre et avec l'espace de monstration. Bruno Peinado s'est en effet inspiré de l'esthétique architecturale de la ville, croisant les courbes de Niemeyer et les lignes chères à Perret. La modernité européenne rencontre le tropicalisme brésilien, comme en atteste le titre de l'exposition : Tropicold, mot-valise, fusionne la luxuriance de l'Amérique latine et les lignes épurées et droites de l'architecture européenne, impulsée par le Bauhaus et Le Corbusier. L'exposition invite le visiteur à une déambulation dans le jardin extraordinaire de Bruno Peinado : influencé par le travail du paysagiste brésilien, Roberto Burle Marx, l'artiste transforme Le Portique en un jardin d'hiver fait d'objets hétéroclites, de signes et de motifs. S'appuyant sur les traces de l'exposition précédemment présentée au Portique, Bruno Peinado inscrit son travail dans un continuum artistique, prolongeant la métaphore botanique : le travail de Cécile Bart, bien qu'absent, demeure présent en filigrane, semblable à des racines et rhizomes qui, enfouis dans la terre, continuent leur travail d'organisme vivant.

Ici, la pensée se fait rhizome, à l'instar du concept deleuzien : parmi les multiples motifs présentés, le spectateur peut élaborer un nouveau système de pensée et démarrer un nouveau récit. Tropicold oscille entre profusion et agencement, entre luxuriance du jardin et maîtrise de l'urbanisme. Bruno Peinado renouvelle le paysage, y injectant des éléments de la culture populaire qui, recontextualisés, sont investis d'une nouvelle signification. Au centre, un monolithe trône, tel un bouquet ornant une table. Les objets s'y accumulent, contribuant à composer une nouvelle esthétique, à offrir un miroir repensé du monde environnant. Une polyphonie plastique qui convoque passé et présent, quotidien et imaginaire, culture européenne et tropicale. Une promenade esthétique, semblable à celle de l'auteur Robert Walser : une invitation à renouveler son regard et à embrasser le monde, dans un geste de réappropriation originale du quotidien.