Du 12.01.2019 au 09.03.2019
Vernissage le 11.01.2019 à 18:30
Le Portique, centre d'art régional contemporain, accueille, pour sa première exposition de l'année, l'artiste Patrick Tosani. Depuis plus de 30 ans, il multiplie les expositions personnelles et collectives en France et à l'étranger. Son travail photographique questionne l'espace et les échelles, mais aussi le medium lui-même : son processus créatif atteste d'une démarche qui réfléchit et rejoue le réel. Lauréat du prix Kodak de la Critique photographique en 1983 et du prix Niépce en 1997, Patrick Tosani enseigne à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris depuis 2004.
Dans le cadre de l'exposition, Prises d'air, il invite le visiteur à parcourir son univers, mêlant pièces anciennes et oeuvres récentes, afin de révéler les multiples facettes de son travail. "Tout mon travail interroge l'image photographique et le process de l'image dans l'espace et le volume", confie Patrick Tosani. Tout comme l'artiste prélève des éléments du réel pour les remettre en scène et reconstituer une nouvelle image, il a prélevé, dans ses productions, divers travaux empruntés à des séries réalisées à différentes époques, afin d'embrasser l'ensemble de la matière photographique constitutive de son travail. " Dans la première salle, sont présentées trois photos issues de la série Architecture et peinture. Je photographie des maquettes que j'ai recouvertes de peinture. Par ce processus de recouvrement et d'altération, je transforme la lecture de la représentation architecturale et joue également sur les échelles et la mutation des choses. On peut observer des variations très conséquentes sur les formats." En complément de cette pièce, Patrick Tosani présente Paysage qui mixe volume et projection d’images. "Cela représente l'intérieur d'une chaussure coupée. On retrouve cette idée de l’architecure, d'un habitacle, d’un monde habité mais aussi d’un paysage lointain : je transforme ici l'image et les volumes sur lesquels elle se projette."
Poursuivant cette déambulation dans le corpus de l'artiste, l'oeuvre Musée Le Caire, appartenant à la série intitulée Changements d'état, poursuit cette réflexion sur la mutation et le recouvrement par l'image. On y voit la statue du Sphinx, représentation iconique du Caire et de l'Egypte, qui s'inscrit sur une maquette, comme une image volée, un cliché fantôme. Le recours à la matière -de la terre- file la métaphore des décombres, des ruines d'un passé imprimées sur une architecture moderne. "Cette pièce oscille entre une projection dans l'utopie et un retour du passé enfoui. Le sol en terre est très important. Tout est fabriqué dans mon atelier et, par la photographie, je restitue l'image que j'ai construite. Le dispositif photographique, les conditions de réalisation de la prise de vue, font partie de mon travail."
La terre, présente dans Musée Le Caire entre en résonance avec Planètes, une série exposée au niveau 2 du Portique. On passe de la terre à la Terre : le sol marquant la transition, attestant d'une réalité et d'une factualité. C'est par la matière que l'artiste nous raccroche à l'objet de son questionnement : la représentation du réel. Avec Planètes, Patrick Tosani détourne, avec ironie, l'imagerie scientifique. Cette représentation de l'univers et des planètes est une référence aux Unes scientifiques consacrées aux planètes, que l'on croise dans la presse. Réalisées en grande dimension dans l'atelier de l'artiste, ces planètes prennent corps et se déploient sur 80 m2. "Je construis l'espace de prise de vue, avec un grand sol d'argile, des sphères suspendues. Le dispositif d'éclairage change au gré des alignements des différentes planètes. Le résultat, ce sont des vues plus ou moins sérieuses et ironiques sur la réalité de tout ça. Je joue avec les codes de représentation. Les sols lunaires sont travaillés avec une lumière froide." Si les photographies jouent sur l'illusion de la représentation, les éléments photographiés sont bien concrets : "Il y a un jeu sur le sérieux de la photo, qui consiste à capturer la réalité d'une chose et la représentation des configurations spatiales."
En vis-à-vis des planètes, des images extraites de la série Prises d'air, qui donne son titre à l'exposition. "Ce sont des découpes anatomiques d'objets. Une observation scientifique du quotidien. J'ai fait des études d'architecture : on retrouve, dans mes images, la trace de la dé coupe architecturale et de la perspective. Ce sont des éléments qui me sont familiers." Ce dialogue entre Planètes et Prises d'air est une première pour l'artiste : "On passe de l'infiniment petit à l'infiniment grand, à l'inatteignable. Cette confrontation m'intéresse. Le lien entre ces différentes pièces, c'est l'espace de mon atelier."
Dans les espaces de circulation du Portique, des oeuvres plus anciennes s'affichent, interrogeant toujours le rapport à la mutation de l'objet et du corps.
Par la photographie, Patrick Tosani montre une réalité concrète au service de la construction d'une image qui va s'activer dans le temps. "Il s'agit de déployer, dans l'espace, une image, vers laquelle tend le corps du spectateur." Le jeu d'échelles est important, permettant d'interroger les différents espaces de l'exposition et d'impliquer le corps du regardant, dans une rencontre avec différentes strates d'images et de temporalités. L'exposition se déploie tel un palimpseste, invitation à interroger la dimension physique du réel et des espaces par l'expérimentation et l'implication du regardeur, inscrit dans un dispositif. "La présence du corps me paraît importante. Mon travail parcourt, rejoue les espaces et les échelles." Patrick Tosani propose une expérience physique du réel par le prisme de la photographie, mêlant image fixe et corps en mouvement, fusionnant les temporalités et favorisant la rencontre du passé et du présent et créant un temps en soi : celui spécifique à une exposition, où l'image rencontre et active le regard du visiteur.